Lorsqu’en juin 2015, l’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID) publia son premier rapport d’enquête nationale sur l’engagement citoyen dans le contexte préélectoral, le peuple haïtien se préparait à des élections générales pour tenter de mettre fin à une crise politique et d’apporter des réponses aux problèmes économiques, sociaux et sécuritaires qui le préoccupaient. Avec beaucoup de difficultés, ce processus électoral a pu être bouclé presque deux ans plus tard, permettant ainsi le renouvellement du personnel politique à tous les niveaux à partir du 7 février 2017. Cependant, loin de pouvoir combler les nombreuses attentes qu’elle suscitait, la prise de fonction des nouveaux élus en 2016 et 2017 n’a fait que replonger le pays dans une crise multidimensionnelle sans précédent, avec pour résultante une situation économique des plus désespérantes, des troubles sociaux à répétition, une insécurité multiforme et insupportable, le démantèlement des institutions démocratiques et une impasse politique déconcertante.

C’est dans un tel contexte que, du 9 au 17 octobre 2021, l’OCID a mené une enquête nationale sur les préoccupations de la population haïtienne et ses perceptions des valeurs et des institutions démocratiques4 . A travers cette enquête, l’Observatoire se donne pour principal objectif de contribuer à une meilleure compréhension de l'environnement politique, des enjeux politiques et des préoccupations de la population haïtienne afin d’en faciliter la prise en compte dans les perspectives de résolution de la crise.

Le présent rapport complet reprend et complète les données et analyses du rapport de synthèse de l’enquête publié le 29 décembre 2021, dans le cadre d’un atelier virtuel de présentation des résultats de l’enquête aux acteurs politiques et de la société civile, ainsi que celles diffusées au cours des ateliers organisés à Pétion-Ville sous format mixte (présentiel et virtuel) les 26 et 27 janvier 2022. Il rend compte de l’ensemble du processus de l’enquête et en décrit globalement les résultats pour en dégager des conclusions et recommandations.

Étant donné que cette enquête fait suite à un sondage similaire conduit par l’OCID il y a environ six ans, nous nous sommes proposé de comparer certaines fois les résultats de ces deux exercices pour juger des variations, en particulier lorsque celles-ci s’avèrent significatives. Des analyses comparatives interviennent également en regard des données d’une enquête de 2017 commanditée par l’IFES en Haiti et de celles de la septième vague des sondages de la World Value Survey (WVS) menés dans plusieurs pays (États-Unis d’Amérique, République Dominicaine, Canada, Porto-Rico, France).

Si cette enquête nationale dont nous présentons ici les résultats peut être considérée sans conteste comme un diagnostic utile pour éclairer la plupart des grandes décisions concernant l’avenir politique immédiat du pays, il n’en demeure pas moins qu’elle comporte quelques limites inhérentes à sa nature même. En effet, nous n’y avions pas pu explorer les causes de la méfiance, ni traité suffisamment de celles du désintérêt pour la politique, par exemple. De telles questions méritent encore d’être creusées au travers d’études plutôt qualitatives.